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Publié le par RCD Tigzirt

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Le printemps berbère ou Tafsut imazighen
  
                
       Le 20 avril était-il un coup de tonnerre dans un temps paisible ?  Pour les rares observateurs  attentifs, le feu couvait sous la cendre. Il faut dire que la question  Tamazight (la question berbère) a été posée dès 1949 et qu’elle fut l’objet  d’un violent débat certains historiens   l’appelèrent  la crise  «  berbéro-marxiste » , mais elle fut ensuite mise en  veilleuse, la priorité fut donnée à la lutte contre l’occupant français. Plus  récemment, dans les années 1970, la contestation et la revendication ont pris,  d’abord, des formes culturelles. Chansons, poésie, pièces de théâtre... Le  lycée Colonel Amirouche de Tizi Ouzou, chef-lieu de province de la Grande  Kabylie, était l’un des foyers de cette agitation et des incidents y avaient  régulièrement lieu. Ces lycéens se mirent plusieurs fois en grève parce qu’on  leur demandait de jouer en arabe une pièce qu’ils ont écrite en kabyle !
      En remontant de deux siècles on  rencontre aussi un lycéen, le premier à avoir posé la question berbère d’une  manière franche mais non dénuée de talent. Elève au lycée Ben Aknoun, dans la  banlieue d’Alger, le jeune Mohand Idir Aït Amrane écrit en 1945 un poème qui  aura l’effet d’un orage d’été. L’intitulé du poème dit tout : « Eker  a-mis ou mazigh ! » (« Debout fils d’Homme  libre ! »). Le jeune auteur évoquera dans sans son texte les  fondateurs de la nation : Kahina, Jugurtha… Et terminera son poème par un  appel au soulèvement. On remarquera en passant le rôle joué par la poésie dans  la rébellion amazigh. Les événements et le sursaut identitaire que nous  traitons ici ont le même prétexte : la poésie. La même année, Ouali  Bennaï, responsable du Parti du peuple algérien (PPA) demande à l’occasion  d’une réunion du Part, l’unification en une seule région de la Petite Kabylie  et la Grande Kabylie que le colonialisme avait scindées pour des raisons
 géopolitiques. Il essuiera un refus de la part de la direction du parti. Ce  problème sera reposé au sein du Comité révolutionnaire d’unité et d’action  ((CRUA) qui donnera naissance au premier jour du mois de toutes les  espérances,  le 1er novembre  1954, au FLN mais surtout à l’ALN 5. Il  faudra noter que 60 ans après ces faits et 43 ans après l’indépendance de  l’Algérie, il existe toujours 2 Kabylie ! Le printemps 1947 voit  fleurir « Le message de Jugurtha » ouvrage de Mohand-Chérif  Sahli (*). L’ouvrage au nom évocateur est  diffusé par l’Union démocratique du manifeste algérien, parti libéral,  « parlementariste, qui prononcera son auto dissolution néanmoins pour les  rangs du Fln. La diffusion de l’ouvrage est subira les entraves musclées du  MTLD 6. En novembre 1957, une vingtaine  d’hommes, dont font partie le jeune poète et militant Mohand Idit Aît Amrane,  Ouali Bennaï, Amar Ould Hamouda, Saïd Ali Yahia, Saïd Oubouzar, Mohand Sid Ali  Yahia, Sadek Hadjeres,
 tous membres du PPA-MTLD, se réunissent à l’insu du  parti au village Arous, non loin de Larbâa Naït Irathen, durant prés d’une  semaine. Il faut dire que l’objet de la rencontre n’était pas des plus aisées.  Il s’agissait :
      -          de condamner la politique réformiste et louvoyante du MTLD et  « pousser » à la préparation de la lutte armée
      -          d’introduire la dimension berbère dans l’organisation de la  future Algérie indépendante
      De cette réunion sortira un  rapport dense que Ouali Bennaï doit exposer devant le Comité central du parti.  Mohand Idir Aït Amrane (il est partout ce poète !) est chargé de prendre  contact avec Mouloud Mammeri en vue de le charger d’une étude sur la langue  berbère.
      En novembre 1948 Ali Yahia Rachid  est, étudiant à Paris, membre actif du groupe berbèriste, est élu au Comité  fédéral de la Fédération de France du MTLD 6.  Cette Fédération de France, dont traitera
      
      (*)  Voilà ce qu’en dit Mustapha Lacheraf : « …Trouvant même dans la  référence historique à la personnalité écrasante d’énergie et de patriotisme de  Jugurtha l’occasion d’un modèle exemplaire de lutte armée et de direction  responsable du peuple algérien dans son lointain passé (…) Sahli marquait  par-là ce que devait être, non seulement la pièce maîtresse de l’idéologie  nationaliste de combat libérateur, savoir : l’action directe, la part de  l’homme, de son éthique, de sa modestie, de sa capacité à diriger ses  semblables tout en restant leur serviteur. »  
      « Littératures  de combat » Mustapha Lacheraf, Editions. Bouchène, Alger 1991
      
      quelques décennies plus tard Ali  Haroun (*) dans un ouvrage  qui demeure jusqu’à présent l’unique  référence sur cette structure, jouera déterminant pour la guerre d’indépendance  7.
      En  décembre 1948 le ver est dans le fruit : le MTLD diffuse largement, en  Algérie et en France notamment, une brochure de 50 intitulée « Mémorandum  à l’ONU. » Il y est dit en introduction : « La nation  algérienne, arabe et musulmane, existe depuis VIIeme  siècle. » On ne peut mettre cette phrase
       d’une gravité extrême sur le compte de l’ignorance mais plutôt  d’une amnésie entretenue et d’un déni politico-identitaire. Mais l’Histoire est  impitoyable : durant la guerre d’Algérie, les concepteurs et promoteurs de  ce « mémorandum », les MNA 8 et  autres « bellounistes » combattront aux côtés de l’armée française,  les armes à la main, les indépendantistes algériens. Cette brochure soulève une  tempête sans précédent au sein du mouvement national dont les derniers à être  indignés ne furent pas les berbèro-nationalistes.
      Durant l’été 1949, trois  étudiants entreprennent rédigent et diffusent une brochure « L’Algérie  libre vivra ! » sous le pseudonyme d'Idir El Watani.  La brochure, qui circule largement au sein du MTLD, soutient que «La nation  algérienne ne suppose ni une communauté de race, ni de religion, ni de langue.  Cette nation repose sur quatre éléments essentiels : « le territoire,  l’économie, le caractère national qui se traduit dans le mode de vie, la  mentalité et la culture, le culte d’un même passé et le souci d’un même  avenir. » Les auteurs de la brochure rappellent l’existence d’une  Algérie antérieure à l’avènement de l’Islam, une nation plusieurs fois  millénaire et réfutent l’affirmation de Messali Hadj qui limite l’histoire de  l’Algérie au VIIème siècle.
      En août 1949  survient un  « incident » : Ferhat Ali, militant du MTLD et néanmoins  opposant à Messali Hadj concernant la question de la lutte armée et le problème  berbère est atteint d’une balle par Krim Belkacem, futur membre du GPRA. Le lendemain, « L’Echo d’Alger »,  journal des ultra colonialistes, titre  « Des  membres dissidents du PPA veut créer le PPA kabyle. », déclaration  supposée provenir de la victime. Deux jours après, le groupe des étudiants  berbèro-nationalistes demandent à la même victime de rédiger une mise au point.  L’Echo d’Alger refuse de la publier. C’est Alger républicain,  journal avant-gardiste qui s’en charge… et en caractères gras. Mais nous  arrivons au printemps 1949 et à la fameuse « crise  berbèro-marxiste. » Au mois de mars, le bouillonnant Ali Yahia Rachid,  étudiant en droit à l’université de Paris et, nous l’avons vu plus haut, membre  élu du Comité directeur de la Fédération de France, réussit à faire  voter une motion
 dénonçant le mythe d’une Algérie arabo-islamique et défend la  thèse de l’Algérie algérienne. La motion est votée à une large majorité :  28 pour sur 32.
      Moins d’un mois après, le 15  avril 1949 , Messali Hadj ordonne à un militant, Embarek Filali,  d’organiser un commando pour reprendre en force la Fédération de France.  Celui-ci s’exécute et pousse le zèle jusqu’à diffuser un tract (d’inspiration  messaliste) condamnant le berbèrisme.   Musrafa Radjef, ancien de l’ENA et membre du Conseil de la Fédération de  France, originaire de Kabylie, réunit le  Comité fédéral et fait voter une motion intitulée « Condamnation  de la déviation politique du Comité fédéral . » Echec : la  motion recueille 12 voix pour et 1 voix contre. Mustafa Radjef décide alors,  avec quelques kabyles de service dont le Dr Mustapfa Chawki et Sadek Saïdi,  d’organiser d’autres commandos pour « reprendre » la Fédération de  France « des mains des scissionnistes. » L’effectif initial de ces  commandos est de 70 hommes, selon Mustafa Radjef. Des affrontements ont lieu  entre les « arabo-islamistes » et les tenants de « l’Algérie  algérienne. » pour
 la récupération des moyens logistiques, des locaux et  des véhicules du Parti, particulièrement dans les 18ème et 20ème  arrondissements de Paris notamment.
      Ali Yahia Rachid, pressentant le  danger, lance un appel à Ouali Bennaï à Oran. Ce dernier, conscient du danger,  s’apprête à embarquer pour Marseille lorsqu’il est étrangement arrêté au port  d’Oran par la police française. Ce sera le début d’une campagne d’arrestations  mais ciblant uniquement les partisans de l’Algérie algérienne.
      Ainsi de nombreux cadres importants  du MTLD, dont Omar Boudaoud, responsable de l’Organisation spéciale en Basse  Kabylie, et dirigeant de la Féderation de France de l’ALN pendant la guerre),  Saïd Oubouzar, responsable politique de la région de Tizi Ouzou, Amar Ould  Hamouda, un des responsables de l’O.S. et membre du Comité central du MTLD,  Omar Oussedik, membre du Comité central et adjoint d’Ahmed Bouda, connaîtront  la torture et la prison.
      
      (*)  Ali Haroun « La 7ème Wilaya » La guerre du FLN en France  1954-1962. Ed. du seuil, Paris,1986
      
      Ces arrestations provoquent un  profond malaise au sein des militants kabyles qui accusent leurs dirigeants du  MTLD de « complicité » avec l’administration coloniale.  Messali  Hadj pousse le cynisme à accuser ces cadres et permanents du MTLD, alors qu’ils  sont déjà en prison, jusqu’à les accuser de « régionalisme » et  d’ « antinationalisme.» Ils seront tous exclus du Parti. Idir Aït  Amrane, l’auteur nous l’avons vu, de « Ekker a-mis ou  mazigh » , leur composera un chant tout aussi émouvant : « Si  l’ Dzaïr ar Tizi Ouzou. »
      Après « la  récupération » musclée de la logistique de la Féderation de France par les  arabo-islamiques, une « mise au point » se fait à Alger, dans la  Medersa « Errachid ». Les principaux responsables du mouvement  berbère, en prison ou sous mandat d’arrêt, à l’exception d’Aït Ahmed activement  rechérché par la police coloniale, furent exclus du Parti.
      Du fond de sa prison, Ouali  Bennai envoie, par l’intermédiaire me Me Abdrrahmane Kiouane, avocat du  Parti,  une lettre à Ali Yahia Rachid.  Il lui demande explicitement : « Que devient le M. R.  B. ? »  Cette lettre lue et  photographiée parla direction du Parti, est distribuée à toutes ses sections.  Une aubaine pour la direction du Parti qui y voit là une preuve irréfutable de  la présence d’une organisation secrète à l’intérieur du Parti, dite « Mouvement  révolutionnaire Berbère. » Elle redynamise sa campagne  anti-berbère. Des délégués sont envoyés à travers toute l’Algérie. Leur mission  est de faire condamner le berbèrisme par les sections de base. Dans certains  quartiers d’Alger, des bagarres éclatent entre les arabo-islamistes et les  berbèro-natinalistes.
      L’année 1952 commence par  l’assassinat de Ali Rabia, militant du Parti. La campagne de liquidations  physiques vient d’être inaugurée.
      Le MTLD dénonce, à travers son  organe central « L’Algérie libre » et avec l’aide de ses  porte-voix, la pièce de théâtre de Abdellah Nakil intitulée « El  Kahina. » La pièce, mise en scène le 27 novembre 1953 par celui qui  deviendra le célèbre dramaturge, Mustapha Kateb, retrace l’histoire de  l’invasion arabe et la résistance des berbères conduits par Kahina, la reine  berbère. Jouée en arabe populaire, elle connaît un vif succès auprès des  populations.
      En mars 1954, une association  culturelle se nommant Tiwwizi n’tamazight (solidarité pour tamazight)  est crée à Paris par un groupe de berbèristes . Son objectif  est le développement de la langue berbère.  L’association publiera une revue du même nom. Ce sera l’une structures  réellement démocratiques d’avant-guerre. Le poète Idir Aït Amrane,, décidément  incontournable, leur dédiera un chant intitulé « Akker Wer neggan  udhan »  (Debout toi qui ne  dort point) Après le 1er Novembre 1954, l’association s’auto-dissout  en assemblée générale et décide de rejoindre le combat armé.
      La guerre d’Algérie est entamée  depuis deux ans lorsque les résistants, qu’on appelait « maquisards »  apprennent que Amar Ould Hamouda, ancien responsable de l’Organisation spéciale  est « exécuté » avec Mbarek Aït Menguellat.  Ils sont accusés d’avoir constitué un groupe qui prônait le  communisme en  Kabylie. La même année  verra l’assassinat, à Demâa N’Sharidj, de Boualem Bennai, militant  infatigable de la cause nationale et  partisan de l « Algérie Algérienne. » L’ordre de l’exécution a  été donné par Krime Belkacem, furur négociateur des accords d’Evian. Selon  l’historien Mohamed Harbi « Le colonel Ouamrane l’avait fait avertir  par Rabah Bouaziz de ne pas se rendre dans   sa région et de rejoindre le maquis de la wilaya IV. Il savait qu’en  Kabylie son sort était scellé. »
      Le 27 décembre 1957,  Abane Ramadane, stratège politico-militaire,  « cerveau » de la révolution algérienne, concepteur et organisateur  du Congrès de la Soummam, se rend au Maroc où est réfugiée la direction de la  résistance, rappeler aux cadres de cette résistance les décisions du Congrès de  la Soummam : primauté de l’intérieur sur l’extérieur et primauté du civil  sur le militaire. Il est exécuté par les siens au Maroc. Il a été jugé et  condamné en secret par les 3 « B » : Boussouf, Bentobal et  Belkacem, trois « dirigeants extérieurs » de la résistance

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   Le mouvement berbère dans l’Algérie  post-indépendante      
      E n 1962, quelques semaines après  l’indépendance, à sa sortie de prison, Ben Bella donne le ton à partir de  Tunis où il fait un discours : « Nous sommes Arabes, des Arabes,  dix millions d’Arabes . » Pour le premier président de l’Algérie  indépendante, « … Il n’y a   d’avenir  pour ce pays que dans  l’arabisation. »
      En septembre de la même année l’écrivain Mouloud Mammeri  tente d’obtenir de Si Mohammedi, ministre de l’éducation, la réouverture de la  chaire berbère de l’université d’Alger. Le ministre lui répond : «   Mais voyons tout le monde sait que ce sont les pères Blancs qui ont inventé le  berbère . »
      Quelques jours après ce refus méprisant, Ben Bella insiste  dans un discours prononcé du haut du Parlement : « … L’Algérie  s’est définie comme nation arabe, recherchant par tous les moyens le  resserrement des liens avec les pays frères en vue d’aboutir à l’unité  arabe… »
      Le 21 août de l’année suivante, au cinquième congrès de  l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), organisation née  pendant la guerre et qui se transformera en UNEA dès l’indépendancce, les  congressistes soulèvent la question de l’arabisation et le statut de la langue  berbère, et particulièrement « … la nécessité du développement de la  langue berbère et la création d’un institut d’enseignement du berbère. »
      29 septembre 1963 des militants créent le Front de forces  socialistes (FFS). Cette formation est essentiellement à ancrage kabyle. Le FFS  prône une opposition armée contre le régime du Président Ahmed Ben Bella. La  Kabylie devient le théâtre d’affrontement militaires.Onze mois plus tard, Ait  Ahmed sera arrêté, condamné à mort puis gracié par Ben Bella.
      En 1964 le chanteur kabyle Slimane Azem devient interdit  d’antenne. Certains présentateurs radio connaîtront « le placard »  pour un temps indéterminé. L’Etat réduit les horaires de la chaîne kabyle.  Avril 1968 se penche sur la naissance du premier Cercle culturel berbère  (semi-légal) à la cité universitaire de Ben Aknoun (Alger). Ses activités  comprennent des cours de berbères dispensés par Mouloud Mammeri et la  publication de la revue Tafsut.
      Dans son discours inaugural au premier Festival culturel  panafricain tenu à Alger le 22 juillet 1969,
      le Président Houari Boumédiène rappelle que « Longtemps  contraints de nous taire ou de parler la langue du colonisateur, c’était un  devoir essentiel et premier que de retrouver nos langues nationales, les mots  hérités de nos pères et appris dès l’enfance. » Il ajoute qu’ « il  n’y a pas de langue qui, au départ, soit plus apte qu’une autre à être le  support de la science et du savoir. » Ces propos n’empêchera pas son  ministre de la culture d’interdire à Taos Amrouche, célèbre romancière et  chanteuse berbérophone de représenter l’Algérie à ce festival. Cependant elle  sera invitée par les animateurs du Centre culturel berbère de la cité  universitaire de Ben Aknoun où elle se produira devant les étudiants.
      Pendant ce temps on assiste à l’explosion de la chanson  kabyle. Des étudiants comme Ferhat M’Henni créent le groupe au nom évocateur d’  « Imazighen Imoula » pendant qu’Idir va  « internationnaliser » la chanson kabyle avec « A vava  inouva .» Le thème de ces chansons n’est plus à la mièvrerie. Un autre  temps est venu, celui de la revendication identitaire, la liberté de la femme,  la contestation…
      Le ministre de l’Intérieur dresse une liste, sous forme de  circulaire adressée à l’état civil des communes, de prénoms arabo-musulmans   à attribuer aux nouveau-nés, à l’exclusion de tout autre prénom. Ainsi le  citoyen berbère sera dépossédé, dès la naissance, d’une part de son identité.
      16 avril 1976. A l’occasion de la célébration de Youm  El Ilm (journée du savoir) qui est en même temps la journée commémorative  de la mort du cheih Abdelhamid Benbadis, président de l’Association des ulémas,  Boumediène signe une ordonnance qui stipule que « … l’enseignement est  assuré en langue nationale (comprendre la langue arabe) à tous  les niveaux d’éducation et de formation et dans toutes les disciplines. »  Deux mois plus tard, le Parti de la révolution socialiste (PRS) fondé par  Mohamed Boudiaf en exil critique durement le pouvoir algérien à qui il reproche  de faire l’impasse sur la question berbère. Ainsi, comme le note la revue  Tafsut, le PRS, avec à sa tête Mohamed Boudiaf, est la première formation  politique à se prononcer en faveur de la culture berbère.
      Eté 1976, pour avoir ronéoté des textes littéraires en tifinagh  (alphabet berbère), 200 jeunes, lycéens pour la plupart, sont  arrêtés et emprisonnés. Ils seront, pour quelques uns, condamnés jusqu’à 24  mois de prison.
      En 1977, le gouvernement a fait coïncider la finale de la  coupe d’Algérie de football qui devait opposer la Jeunesse sportive de Kabylie  (JSK) au Nast Atlethic  d’Hussein Dey  (NAHD), équipe algéroise dont les supporters étaient aussi d’origine berbère,  avec le 12ème anniversaire du « redressement  révolutionnaire », euphémisme pour désigner le putsch de Boumédiène de  1965. Dans les tribunes, les spectateurs face à la tribune présidentielle  hurlent des slogans tels que « La langue berbère vivra »,  « Liberté d’expression », « Nous sommes des Imazighen… » La  retransmission en direct de la rencontre cause un effet d’amplification. Le  match est remporté par la JSK.
      La rentrée verra l’ouverture du centre universitaire de  Tizi Ouzou (CUTO) qui regroupera les étudiants et les enseignants jusque là  éparpillés dans divers instituts d’Alger.
      En novembre, la direction du PRS de Boudiaf met en place  une cellule de réflexion  pour étudier  le dossier berbère et élaborer des propositions concrètes.
      Quelques jours après, Aït Ahmed, secrétaire général du FFS  demande la « reconnaissance de la langue berbère au même titre que la  langue arabe. »
      Cependant des interdictions sont notifiées àe plusieurs  chanteurs kabyles comme I’Idir , Ferhat, et d’autrss  « perturbateurs »de se produire devant leur public. Cependant un fait  d’une grave importance vient détourner l’opinion nationale.
      Le 10 décembre 1978, alors que Boumédiène agonisait des  suites d’une maladie jusque là inconnue, un lot d’armes est parachuté au Cap  Sigli,  non loin de la ville de Bougie. Il  s’agissait de créer un maquis qui aboutirait plus tard à un soulèvement kabyle  contre le régime. Avec la complicité de quelques conjurés, anciens  résistants tels que Frehat Abbas, ancien Président du Gouvernement provisoire  de la république algérienne (GPRA), Belarbi, Boudjeloud, Ahmed Kadri, Mohamed  Benyahia, les services secrets français   ont fournit, via le Maroc, « la logistique. » Là où le complot  a tourné à un scénario sur la famille Dalton, c’est que la conjuration a été  éventée par la puissante et redoutable Sécurité militaire (services spéciaux)  algérienne. Ce pourrait même être une manipulation de leur part, ayant une  grande connaissance des services français et marocains, pour « resserrer  l’unité nationale » contre l’ennemi héréditaire : la France. Il n’en  demeure pas
 moins que le parachutage fut réceptionné par cette Sécurité  militaire.M. et les conjurés arrêtés. Quelques jours plus tard, le chanteur  contestataire Lounis Aït Menguellet est interdit de chanter. C’est la première  d’une langue série d’interdictions. L’auteur de cet ouvrage va ronéoter et  distribuer un célèbre poème de Nazim Hikmet :  « Ils ne  nous laissent pas chanter. » Il connaîtra à cette occasion l’humidité des  geôles du commissariat central du Grand Alger. Une semaine plus tard verra  l’interdiction de jouer d’une pièce de théâtre de Kateb Yacine, traduite en  berbère : « La guerre des 2000 ans. »
      Ce flash back était nécessaire pour démontrer que le  mouvement berbère n’est pas issu d’une génération spontanée.
      Le 27 décembre 1978, Houari Boumediène décède.
      L’armée impose Chadli Benjeddid comme candidat unique  comme à la succession de Boumediène.
      Chadli est   « élu » le 9 février 1979. Il sera le 5ème président  de l’Algérie indépendante.
      
      
    
 Evènements de l’année 1980
      
      
      
Le péril jeunes  
      
      Là encore, à l’origine était la  poésie.
      Le 10 mars 198O, l’écrivain de  notoriété mondiale Mouloud Mammeri, concepteur et animateur de la revue Awal  (parole), devait donner à l’université de Tizi Ouzou une conférence sur les  « Les poèmes kabyles anciens » Quelques mois auparavant  Mouloud Mammeri a publié chez Maspero un ouvrage portant le même intitulé.  Quelques heures avant la tenue de la conférence, le commissaire politique  régional du Parti unique donna l’ordre d’interdire la conférence, cette  conférence hautement subversive. La poésie kabyle prohibée ? Une  délégation d’étudiants sollicite un entretien avec l’auteur de cet ukase.  En vain. On improvise alors une assemblée  générale au campus de l’université. Y participent 1.500 étudiants sur les 1.700  que compte l’université, qui votent la grève et un sitting devant le siège  régional du Parti unique.  Le lendemain  ils sont là à crier des slogans nouveaux : « Tamazight est notre  langue ! »,« Halte à la répression culturelle ! »,  « Culture
 berbère, culture algérienne ! … » Le lendemain 12 mars  les lycéens de la ville se mettent en grève. Le 13 on voit apparaître des tags,  certains du FFS : « Démocratie », « culture berbère  nationale », « langue   populaire, langues nationales …» A Larbâa Nath Irathen, les  enseignes et les plaques d’indication routière sont arrachées par les lycéens,  d’autres sont bariolées. A leurs places on lit « Anerrez Ouala  N’Eknou » (« Plutôt rompre que plier », vers du poète Si  Muhand U’Mhand.) La caserne est envahie et les soldats, pour une grande partie  des jeunes appelés du service militaire, fraternisent avec les manifestants. Le  commissaire de la police locale est bloqué dans sa voiture. Il est obligé par  les jeunes surchauffés de répéter leurs slogans. Le Président de la république,  qui devait faire une visite officielle à Tizi Ouzou le 15, c’est à dire deux  jours plus tard, annule son voyage. Le préfet convoque une réunion des chefs  d’établissements scolaires. Lors
 de cette réunion, le directeur de l’institut  islamique prononça cette phrase qui, sous d’autres cieux, serait passible des  tribunaux pour « incitation au crime» : « Il faut tirer sur  la foule ! » L’agitation continue, chaque fois renforcée avec  « de nouvelles troupes. » Le lendemain, A Alger, quelques 5OO  étudiants marchent dans la rue Larbi Ben M’Hidi, l’une des artères les plus  importantes de la capitale. Ils sont violemment dispersés par la police.  Quelques manifestants sont interpellés. Cinq d’entre eux font connaissance avec  les geôles souterraines du commissariat central. Ce devint, de part et d’autre,  le début du cycle manifestation-arrestations.
      Le 18 mars, le préfet de Tizi  Ouzou fait une « incursion » à Azazga, un bourg située à une  trentaine de km du chef-lieu de province. La population le reçoit  « chaudement » à coups de jets pierres et en hurlant son mécontentement.  Il doit vite rebrousser chemin. Le siège local du parti unique est saccagé, la  gendarmerie attaquée. Les rues sont inondées par la foule. Dans la localité de  Ain El Hammam, les ouvriers se solidarisent avec les jeunes et se mettent en  grève illimitée tout en assurant le service minimum.  A Drâa El Mizan la ville est en turbulence.  La police y opère 70 arrestations chez les lycéens.
      La population de la province de Bougie, deuxième capitale  de la Kabylie, s’enflamme. Des bourgs à forte concentration de populations,  Amizour, El Kseur, Sidi Aich, Akbou et leurs environs voient leurs habitants, y  compris des dames du troisième âge, occuper les rues. C’est l’alerte  orange : des troupes supplémentaires sont rameutées en renfort. La Kabylie  est quasiment en état de siège.
      Dix huit jours après, le feu aux  poudres, El Moudjahid, organe officiel de l’Etat et du Parti unique, se  fend d’un article, où la haine se substitue au journalisme, intitulé « Les  donneurs de leçons. » Il est signé Kamel Belkacem. Ce plumitif se  singularisera quelques mois plus tard où, en qualité de directeur d’Algérie  Actualités, hebdomadaire également étatique, publiera une interview de  Bigeard de triste mémoire, où l’occasion sera donnée à ce dernier de justifier  la pratique de la torture qu’il a ordonnée à ses subordonnées durant la guerre  d’Algérie. Des personnes, dont l’auteur, se chargeront de lui rappeler à cet  effet que pour des faits similaires (crimes de guerre), Adolf  Eichmann a été kidnappé par les Israéliens qui lui ont fait traverser  clandestinement plusieurs frontières et l’ont jugé à Tel Aviv. Il  s’avèrera, quelques mois plus tard, que ladite interview a été ordonnée par  Larbi Belkheir, directeur de cabinet à la Présidence de la
 république et qui,  de notoriété publique, a été placé à ce poste par la France pour veiller sur  les intérêts de l’ancienne métropole, fut-ce au prix de quelques coups  tordus.  A la date où nous écrivons… il  est directeur de cabinet de Abdelaziz Bouteflika ! L’Histoire bégaie,  dit-on. Tout au cours de la semaine qui suit la publication de cet  « article »,  des lettres et  des pétitions de protestation émanant de différents les milieux affluent chez  les autorités.  
      26 mars : nouvelle  manifestation à Tizi Ouzou. Etrangement, la police n’intervient pas. Le 8  avril, en Kabylie, on assiste à une déferlante de plusieurs milliers de paysans  qui marchent sut Tizi Ouzou. L’armée bloque les routes. Le mouvement s’étend à toute  la Kabylie. Bouira est contaminée. Le 9 avril un concert que devait donner  Ferhat Imazighen Imoula à Sidi Aïch  est  interdit. Des troubles ont lieu. Quelques jours après, le 11 avril, est envoyée  à El Moudjahid la mise au point de Mouloud Mammeri suite à  l’articulet  « Les donneurs de  leçons. » Au mépris de toute éthique, de toute déontologie et du  Droit, ce quotidien dans lequel, durant les années de feu et de la  résistance, écrivaient des héros tels que Abane Ramdane, Ben M’Hidi, Boudiaf et  tant d’autres noms illustres, ce quotidien devenu aux mains de la  « françafrique », refuse de publier la mise au point. Qu’à cela ne  tienne : des ronéo tournent de plus beau. La mise au point est lue dans  les
 endroits les plus reculés d’Algérie…et en France où le quotidien « Le  matin » la reproduit dans son intégralité. C’en est trop pour Chadli  Bendjeddid et son éminence grise Larbi Belkheir : que l’Algérie soit à feu  et à sang est perçu comme « un chahut de gamins », mais un seul  article publié dans la presse de l’ancienne métropole en défaveur du régime  provoque la panique. Cela restera une règle pour tous les régimes qui se  succèderont, hormis « la parenthèse » Boudiaf.  Une  semaine plus tard se tient une assemblée générale des étudiants de l’université  de Hasnaoua qui votent l’occupation de la salle de reprographie et qui lancent  un appel à une manifestation pour le 20 avril à Alger. Cet appel est, dans  l’esprit de ses initiateurs, lancé pour « décentraliser » le  mouvement. Il  sera, tout au début,  modérément suivi : le 20 avril,  à  10 heures du matin, 500 à 700 étudiants et quelques enseignants, tout au  plus,  se rassemblent à Alger autour de  la Place du
 1er Mai, portant des banderoles où sont expliquées leurs  revendications et où sont griffonnés des slogans : « Liberté  d’expression », Démocratie culturelle …» Face à l’intervention de la  police, les manifestants entonnent le chant des résistants : « Min  Djibalina talâa saout el ahrar » (De nos montagnes s’est élevé le  chant des Hommes Libres). La police réplique à ce chant avec une charge inouïe.  Prés de 200 manifestants sont jetés de force dans les paniers à salade,  plusieurs d’entre eux sont blessés dont 5 dans le coma. Un étudiant meurt  sous les coups de matraques. Une grève est votée à l’université d’Alger.  A 1 3 heures se tient un meeting dans  le campus. Des étudiants militants de divers partis, tous clandestins, prennent  la parole. Parmi eux, on note la présence du Pags (*),  Ffs (**), Ost (***)  et Gcr (****). Le deuil se mue en grève.  Le même jour, en Kabylie, l’opération « Mizrana » (de son nom de  code) est déclenchée. L’armée et la gendarmerie sont
 mis à contribution. Les  universités, les cités universitaires, les usines… et les hôpitaux sont occupés  par les forces de répression. Des combats ont lieu. Les chiens policiers sont  lâchés à la poursuite des étudiants qui tentent de s’échapper. D’autres  étudiants, à moitié-nus, sautent par les étages des cités U. Des professeurs,  des médecins et des infirmiers coupables d’avoir soigné les victimes sont  arrêtés. Ces derniers seront remplacés par des médecins militaires. Les villes  de Bougie et de Tizi Ouzou se mettent spontanément en grève, sans qu’aucun  appel n’ait été lancé en ce sens. L’activité reprendra progressivement le 24  avril.
      
      (*)  Pags : Parti d’avant garde socialiste
      (**)  Ffs : Front des forces socialistes
      (***)   Ost : Organisation socialiste des travailleurs
      (****)  Gcr : Groupes communistes révolutionnaires
      
      
      
      
      Le 12 mai, une grève est votée de  nouveau par les étudiants d’Alger. Elle sera largement suivie à la satisfaction  de ses initiateurs dont l’objectif est d’ « excentrer » le  mouvement sur Alger. Des étudiants diront : « Le pouvoir est loin,  il n’entend pas la Kabylie, il faut donc aller chez lui pour se faire  entendre. »
      
      Le 16 mai le quotidien El  Moudjahid publie une liste de 24 détenus qui devront être jugés par la cour  de sûreté de l’Etat. En même temps l’alerte grimpe au rouge. Le pouvoir  instaure un état de siège qui ne dit pas son nom.
      Le  19 mai est la Journée nationale de l’étudiant. Ce sera l’occasion d’autres  « troubles ».
      Le 24 mai se tient à la fac  centrale d’Alger une assemblée générale. Les forces de l’ordre viennent  « casser de l’intello. » Le 25 du même mois, alors que les  populations de Bougie et Tizi Ouzou expriment massivement leur soutien aux  détenus. L’Algérie presse service (Aps), agence de presse  étatique, annonce leur mise en « liberté provisoire. » Le  lendemain, plusieurs colonnes de véhicules affluent de toutes parts chercher  les détenus à la prison de Berrouaghia. A leur retour ils sont accueillis par  une liesse indescriptible. C’est la fin de la saison scolaire et universitaire,  mais pas celle de l’action politique.
      
    
 Evénements  de l’été 1980
      
      Certains acteurs du mouvement  berbère et de spécialistes, acquis à la cause amazigh, dans les domaines de  l’histoire, sociologie, linguistique…, se réunissent à Yakouren, un village  boisé de la province d’Azazga, du 1er au 31 août. Cette rencontre prendra plus  tard le nom de « Séminaire d’Yakouren . »
      Ces Assises à pour tâche  essentielle de « poser (…) clairement le problème de la culture en  Algérie afin de dépasser les fausses accusations dont la presse nationale  notamment s’est fait l’écho, et dont les propos incendiaires ont failli  conduire à l’irréparable. »
      La question de la culture en  Algérie s’articule, selon les séminaristes, autour de trois axes  principaux :
      1- Le problème  de l’identité culturelle du peuple algérien.
      2- Le problème  des libertés d’expression culturelle.
      3- Le problème  de la culture dans la politique de développement.
      Les séminaristes sortent de cette  rencontre avec un épais dossier qui constitue plus un programme politique qu’un  manifeste culturel.
      1981
      A la rentrée de l’année 1981, le  ministre de l’Enseignement supérieur, Abdelhak Brerhi, annonce la création de  départements de « Culture et dialectes populaires » au sein  des universités d’Alger, Annaba, Oran et Constantine. Une montagne qui accouche  d’une souris. En même temps, le docteur Saïd Saâdi (**), médecin à l’hôpital de  Tizi Ouzou et l’un des principaux animateurs du mouvement berbère, recevra un  ordre d’affectation pour Khenchela, petite ville de l’Est située à plusieurs  centaines de km de la province de Tizi Ouzou. Un mouvement de solidarité se  crée autour de lui, mouvement auquel se joint la section  Tizi Ouzienne de l’Union médicale  algérienne (UMA)… organisation du Parti unique ! Cette section rebelle  sera dissoute. Par ailleurs, des dizaines de travailleurs d’entreprises  publiques ayant participé au mouvement de solidarité seront mutés hors de leur  province
      
      Face à l’agitation intense et « expanse »  des milieux estudiantins, le pouvoir répond comme il l’a fait à chaque  contestation populaire : il lâche ses forces de police et de  gendarmerie.  La franchise universitaire  fut violée. , ce qui fait dire à certains étudiants, avec ce cruel sens de  l’humour qu’on connaît aux Algériens : «  Nous avons les  flics les plus instruits du monde : ils fréquentent la fac. » A  l’université d’Alger, les islamo-baâhistes, munis de barre de fer, de chaînes à  vélo et diverses armes blanches, attaquent ouvertement les animateurs du  mouvement berbère et les militants du Pags… sous l’œil indifférent des brigades  anti-émeute, bien que des armes blanches furent utilisées. Des étudiants  organisent des « Comités de vigilance. » L’auteur, ainsi que Smail  Mahi, qui sera assassiné par les islamistes en 1992 et Slimane Laouari,  actuellement rédacteur en chef du quotidien « La dépêche de  Kabylie », constituant un des Comités de vigilance,
 contactèrent la  section Pags des dockers qui vint à
      (*)  Il sera fondateur, en février 1989, du Rassemblement pour la culture et la  démocratie
      rescousse. La police et  gendarmerie n’intervinrent que lorsqu’ils constatèrent que les  « Berbéro-marxistes » avaient pris le dessus… pour arrêter ces  derniers ! Cependant, il faut noter que cette même journée, alors que les  Bérbèro-Pagsistes  se défendaient  contre l’agression  islamo-baâthiste, deux directives provenant de la direction du Pags sous forme  de tracts circulent : « Halte à la manipulation » et  « Halte à la provocation. » Ces deux directives expliquaient, en  substance, que les berbéristes étaient « manipulés par des forces  occultes », pour la première directive, et pour la seconde, que ces mêmes  manipulateurs tentaient de diviser la masse estudiantine ! La base militante  du Pags et mit cette attitude, à juste titre, sur le compte du  « soutien  critique » au régime dans lequel s’est enferré le  Pags (*). Mais cette même attitude signera pour le Pags le commencement de la  fin. Ce dernier venait de s’engager sur la pente descendante, une pente
 savonneuse, de sa déchéance.
      
      Après  5 mois de détention préventive, à la fin du mois d’octobre, les  inculpés du 19 mai 1981 de Bougie comparaissent devant le tribunal  correctionnel de cette ville. Ils seront condamnés à des peines allant de 10  mois à 4 ans de prison ferme. Deux enseignants du secondaire seront  condamnés…à  5 ans d’ interdiction  d’enseigner. Le meme jour, à 100 km de là au tribunal de Tizi Ouzou, 3  étudiants seront condamnés à 4 ans de prison ferme.
      Le reste de l’année universitaire  est régulièrement ponctuée d’arrets de cous, rassemblement, distribution de  tracts… jusqu’au 13 avril où les animateurs du Mouvement culturel berbère de  Bougie et Tizou Ouzou appellent à commémorer la journée du 20 avril, deuxième  anniversaire du printemps berbère, « pour rappeler à l’opinion  qu’ensemble nous n’avons pas oublié (…) que le   régime a laché ses chiens sur les travailleurs et étudiants de la  Kabylie pour toute réponse à leur revendication culturelle pacifique.»  
      Une semaine culturelle sera  programmée
      (*) Quatorze  ans après ces événements, l’auteur de cet ouvrage demanda le pourquoi de ces  directives à Sadek Hadjeres, ex-premier secrétaire du Pags auto-dissous, invité  à Bruxelles par l’association Awal oua thakafa (Parole et culture).  Ce dernier répondra : « Je ne  sais pas... J’étais à Oran ce jour-là ! »
      (¨¨)Qui  sera fondateur du Rassemblement pour la culture et la démocratie. Ce parti  prendra une orientation sociale-démocrate.
       Des  vigiles furent employés « à plein temps » dans les universités de ces  quatre villes. Cependant, dans l’université d’Alger, Des arrestations eurent  lieu, notamment à Alger et Tizi Ouzou. La Cour de la sûreté de l’Etat  condamna   24 « agents de l’étranger » à plusieurs mois d’incarcération  dans la prison de Berrouaghia. Des vigiles furent employés « à plein  temps »  dans les universités de Bougie, Tizi Ouzou, Bouira et Alger.
      
      Le 12  mars 1981 s’ouvre une session du Comité  central du Parti consacrée à la politique culturelle. Auparavant, l’appareil du  Parti a déclenché une « campagne d’explication et de sensibilisation »  qui s’est transformée en diatribes contre « les séparatistes » et  « les nostalgiques de l’ordre colonial. » Il est coutumier au Parti  de réactiver l’épouvantail colonial devant les revendications berbéristes ou   « l’urgence de la cause palestinienne » pour faire échec à tout  mouvement de masse qui incluait les arabophones et les berbérophones.
      La session du Comité central du  Parti fut rondement menée et, comme si attendaient les Algériens, fut réaffirmé  avec force « l’unicité de la langue arabe, langue qui, aux côtés de  l’islam religion d’Etat, demeure l’une des constantes qui constituent la  personnalité nationale. »
       Les résolutions finales de cette session provoquent une grève  générale de protestation dans les provinces rebelles de Bougie et de Tizi  Ouzou.
      Les 19 et 20 avril sont  commémorés dans ces deux provinces et à la fac’ centrale d’Alger le premier  anniversaire du printemps berbère à travers de gigantesques manifestations,  répondant ainsi à l’appel lancé par une coordination regroupant des comités  d’étudiants, de lycéens, d’enseignants, des parents d’élèves et d’ouvriers.
      Un mois plus tard, le 29 avril,  un comité d’intellectuels de renommée mondiale dont le poète Kateb Yacine,  l’écrivain et historiographe de la culture berbère Mouloud Mammeri, l’artiste  peintre M’Hammed Issiakem, déposent au ministère de l’Intérieur une demande  d’agrément  d’une association qu’ils ont  dénommée « Amuger » (Rencontre). Aujourd’hui, vingt cinq ans  après, nombre de ces personnalités sont décédées, plusieurs ministres de  l’Intérieur se sont succédés, mais l’agrément de cette association n’a toujours  pas été accordé.
      Le 19 mai est la Journée  nationale de l’étudiant (*)
      Les  autorités instaurent dans l’ensemble de la province un couvre-feu a partir de  18 h 30 jusqu’à 5 h du matin. Des arrestations touchent 31 militants du  mouvement culturel berbère qui seront jugés pour ce qui devint une  antienne :
      -  Rassemblement
      -  Incitation au rassemblement
       - Distribution de tracts
      Il  faudrait peut-être signaler au passage qu’aux yeux du régime le tract,  nonobstant son contenu, est en lui-même un délit !
      Les  étudiants berbéristes de la faculté d’Alger tiennent un meeting d’information.  Des militants arabo-islamistes ainsi que des repris de justice sont appelés en  renfort pour « casser » le rassemblement. Des heurts violents  surviennent. Une fois de plus la police intervient et, une fois de plus, seuls  les militants berbéristes sont arrêtés. Les nervis arabo-islamistes quittent  l’enceinte universitaire sous la protection vigilante des forces de l’ordre.  Les étudiants berbéristes arrêtés, au nombre de vingt deux, seront présentés au  parquet judiciaire pour :
      -  Atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat
      -  Atteinte à l’unité nationale
      -  Constitution de collectif à caractère subversif
      -  Atteinte à la personnalité nationale
      -  Complot - Rébellion  
      -  Rédaction, détention et diffusion de tracts  
      -  Association de malfaiteurs
      -  Destruction de biens publics et monuments
      -  Attroupement
       La répression crée un temps de désarroi au  sein de la mouvance activiste du mouvement culturel berbère. Cependant un  ressaisissement rapide s’opère sous la pression des masses et ils décident  d’organiser une université d’été qui devrait se tenir du 31 août au 15  septembre au Centre universitaire de Tizi Ouzou. Mais le 31 août à l’aube, les  forces de l’ordre sont aussi au rendez-vous. Ils font évacuer manu-militari le  centre universitaire et le transforment en caserne.
      
      
      
      (*) Cette date a été instituée Journée nationale de  l’étudiant en hommage au 19 mai 1956, journée où les étudiants et lycéens  désertèrent les bancs de leurs universités et lycées pour rejoindre les maquis  de la résistance anti-coloniale.
 

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